L’achat des Gripen coalise les oppositions
Avions de combat Le mécontentement monte contre le plan financier du Conseil fédéral
Le processus d’achat repartira-t-il de zéro?
L’achat de 22 nouveaux avions de combat Gripen pour 3,1 milliards est loin d’être finalisé. Le peuple aura le dernier mot, promettent les Verts et le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), qui entendent former une large coalition de mécontents. La partie s’annonce effectivement difficile pour le ministre de la Défense, Ueli Maurer. Car le plan d’économies présenté mercredi par le Conseil fédéral mécontente déjà plusieurs groupes d’intérêt (LT du 02.02.2012).
Ce programme de consolidation et de financement de l’armée (PFA 2014) prévoit des coupes à hauteur de 800 millions en deux étapes, notamment dans les secteurs sensibles tels que la formation et la recherche, l’agriculture ou l’aide au développement. «C’est ce qui me fait du souci, admet le vice-président de l’UDC, Yvan Perrin. Si vous additionnez les milieux des agriculteurs, ceux de la science et ceux de la coopération, vous arrivez facilement à une majorité de gens opposés au plan d’économies, et donc aux avions.»
Des voix s’élèvent de gauche à droite contre le PFA 2014, qui doit être mis en consultation d’ici à cet été. «Il y a beaucoup d’oppositions qui s’additionnent, souligne le président du PDC, Christophe Darbellay. J’étais favorable à l’achat d’un nouvel avion de combat, mais opposé à l’augmentation des crédits militaires. Le parlement devra revenir sur sa décision. On ne peut pas tailler dans la formation et les infrastructures, deux objectifs prioritaires pour la Confédération.» Enfin, Christophe Darbellay rappelle que le Conseil fédéral lui-même était opposé à l’achat de nouveaux avions…
Mercredi, le ministre de l’Economie, Johann Schneider-Ammann, a en tout cas clairement fait savoir qu’il se battra pour épargner de nouvelles coupes à l’agriculture. Nul doute que le conseiller fédéral chargé de l’Intérieur, Alain Berset, et sa collègue responsable des Infrastructures, Doris Leuthard, monteront également au front: leurs départements doivent économiser respectivement 325 et 170 millions.
«Pour ma part, je m’opposerai à toute coupe dans le domaine de l’agriculture», prévient le directeur de l’Union suisse des paysans, le PLR Jacques Bourgeois. Ce dernier se montre, au passage, ouvert à la contre-proposition de l’avionneur français Dassault, récemment transmise aux commissions compétentes du parlement: 18 Rafale pour 2,7 milliards, soit 400 millions de moins que le coût des 22 Gripen. «Si cette offre nous permet de réaliser des économies de l’ordre du demi-milliard, je m’interroge, personnellement, sur l’opportunité de relancer tout le processus», note Jacques Bourgeois.
Voilà de quoi attiser les craintes du Neuchâtelois Yvan Perrin: la contre-offre de Dassault risque d’interférer dans les débats. «Les partisans du Rafale pourraient être tentés de s’appuyer sur ceux qui ne veulent pas d’avions du tout», déplore le démocrate du centre. La partie n’est toutefois pas gagnée pour Dassault: «Cette offre intervient trop tard et Dassault manque de crédibilité, critique Christophe Darbellay. D’ailleurs, si Nicolas Sarkozy se calmait à l’égard de la Suisse, cela aiderait beaucoup…»
Du côté de la gauche, en revanche, on se frotte les mains. Les opposants à l’avion de combat qui avaient tour à tour évoqué le référendum ou le lancement d’une initiative populaire penchent désormais pour la première solution. «Un référendum contre le PFA 2014 a clairement notre préférence, précise l’ex-conseiller national Jo Lang, membre du comité du GSsA. Mais tout reste ouvert. Il y aura peut-être deux référendums, un contre le plan d’économies, et un contre l’avion! Car formellement, il y a encore beaucoup d’interrogations dans ce dossier.» La vaste coalition réunissant le GSsA, les Verts, le PS, des associations d’étudiants et des associations écologistes discutera de la marche à suivre au mois d’avril, lors d’un grand rendez-vous bernois. C’est la date que s’est aussi fixée la Commission de sécurité du National pour terminer l’examen de l’achat des avions. Mais il n’est pas sûr, désormais, que le délai soit tenu.