C’est sans conteste en France, où il réside, que l’arrestation de Roman Polanski passe le plus mal. Son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a écrit lundi à Hillary Clinton, de concert avec la Pologne, pour demander la libération du cinéaste. Après être intervenu dès dimanche auprès de Berne, pour s’assurer que «les droits de Monsieur Polanski soient pleinement respectés», il a qualifié hier d’«un peu sinistre» et «pas très joli» le procédé utilisé pour appréhender le cinéaste. «Un homme d’un tel talent, reconnu dans le monde entier, reconnu surtout dans le pays qui l’arrête, tout ça n’est pas sympathique», a conclu Bernard Kouchner.
Les médias français n’hésitent pas à faire le lien entre le mauvais tour joué à Roman Polanski et les ennuis d’UBS en Amérique – la Suisse étant «dans ses petits souliers», selon France 2, ou «à la botte des Etats-Unis», selon Jean-Pierre Elkabbach d’Europe 1. Evelyne Widmer-Schlumpf en a pris pour son grade: toujours sur Europe 1, l’humoriste Guy Carlier l’a décrite comme «une femme raide, raide comme la justice, raide comme une Suisse allemande».
Face au tollé, la conseillère fédérale Doris Leuthard s’est livrée hier à un exercice d’explication, lors d’une rencontre avec son homologue, la ministre de l’Economie Christine Lagarde. «On en a parlé entre quatre yeux, parce qu’on se connaît, a-t-elle indiqué à l’issue de la réunion. Pour nous, c’est une affaire procédurale. Il n’y a aucune autre possibilité: une personne visée par un mandat d’arrêt international doit être arrêtée. Qu’elle soit célèbre, inconnue, riche ou pauvre, cela ne joue aucun rôle.»
L’idée d’un troc avec les Etats-Unis – arrestation de Roman Polanski contre indulgence dans le dossier du secret bancaire – est jugée risible par Doris Leuthard. «Ça n’a aucun lien. M. Polanski ne s’est rendu ni en Allemagne, ni en Grande-Bretagne, parce que ces deux pays ont aussi des conventions d’extraditions avec les Etats-Unis. Il savait qu’il courait un risque. Je suis moi-même étonnée qu’il ait pris ce risque. Ce sont peut-être ses avocats qui l’ont conseillé.»
Doris Leuthard rappelle que la suite de la procédure est entre les mains de la justice américaine. Et que la Suisse s’est bornée à assumer un rôle secondaire – celui d’un «Etat où la police fonctionne». Dans son entourage, on relève que l’arrestation du cinéaste n’est peut-être pas si impopulaire: «Sur Internet, les trois quarts des commentaires sont pour.»